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Ferjaoui Jawher:"L'internet bouge et donc, il faut bouger avec!"

Dans le contexte de l'économie numérique en Tunisie, et des technologies "Smart Tunisia" (Tunisie connectée) Ferjaoui Jawher, PDG de l'Agence Tunisienne de l'Internet ou ATI, nous a accordé une interview exclusive, au cours de laquelle il a dressé un panorama concernant les activités de l'ATI, ses projections et clarifié sa façon d'aider le gouvernement à travailler sans perdre beaucoup de temps.

Au cours de l'entrevue, il a assuré qu'il n'y aura plus de la fracturation par impulsion, en soulignant une mutation vers le Full IP, l'internet total.

Quels sont les réussites, accumulées durant vos années de travail, qui ont facilité la voie pour atteindre le poste prestigieux que vous occupez actuellement?

En 1966 au début de ma carrière, j'ai créé le premier fournisseur de services internet dans le secteur de la santé. La Tunisie était le premier pays au monde à penser aux fournisseurs d'internet dans les secteurs public et privé, c'est ce qui lui permit d'émerger dans le domaine du numérique, contribuant ainsi à la propagation d''internet d'une manière très efficace selon une segmentation du marché très précise pour tout ce qui est foyer, entreprise… etc., qui ont pu jouir des services spécialisés dans chaque domaine.

Surtout durant les années 90, là où l'encadrement des cadres supérieurs leur a permis d'aller en avant dans l'exploitation active d'internet,Parmi eux on comptait des médecins, des professionnels du domaine sanitaire, del'éducation, de l'enseignement supérieur, de la recherche scientifique et agricole. Tout ceci a favorisé la création de fournisseurs du service public travaillant en parallèle avec ceux du secteur privé.

Ceci a fait que la Tunisie s'est classée première dans le monde dans l'exploitation de l'internet, dépassant même des pays développés. Cette notion de communauté internet a vu le jour avant la création de la Cane en 1998. C'était très beau puisque j'étais l'un des acteurs de ce développement.

En deuxième lieu, j'ai diversifié ma carrière pour être un DSI, directeur du Système d'Informations, dans le secteur de la santé et des affaires sociales pour tout ce qui se rapporte aux maladies tout en occupant le poste de conseiller du ministre pour tout ce qui concerne les projets de médecine, de bibliothèques technique et médicale.

Ensuite, en fin 2007, je me suis branché sur tout ce qui a rapport avec le partenariat public privé; j'ai été le premier directeur général du bureau de l'économie numérique, et donc son fondateur.

Nous avons innové sur beaucoup de fronts et, aujourd'hui, nous avons adopté la formule "Smart Tunisia", (Tunisie connectée) et le nouveau modèle économique de télécom.

De plus, nous avons travaillé sur la concurrence dans le secteur des télécoms, pour arriver à un processus d'affectation de l'essence de télécom globale 3G fixe, tout en continuant à œuvrer en faisant des efforts sur différents projets; toutes ces initiatives ont créé des valeurs dans notre pays. Ceci étant renforcé par la notion d'une formation professionnelle adéquate, nous avons également établi un programme qui ciblait 20 000 personnes spécialisées dans le pays. Aussi, nous avons également mis en œuvre un système pour encourager la recherche du développement des Technologies de l'Information et de la Communication (TIC), en le prévoyant dans le budget. Tout ce travail nous a permis d'arriver à nos fins, ce qui a permis d'obtenir de meilleurs résultats dans ce domaine.

Même avec le déploiement des 4G et 5G grâce à la mutation vers le Full IP internet total, il n'y aura plus la fracturation par impulsion. Nous observons une transformation radicale très profonde aujourd'hui dans le secteur des télécommunications. Et il y a des transitaires téléphoniques qui sont en train de migrer aujourd'hui vers les transitaires IPI.

L'ATI a pour objectif principal de promouvoir l'internet en Tunisie. Qu'est-ce que vous avez apporté de nouveau à ce secteur?

Il y a une nouvelle distribution des activités dans le monde de télécom et celui de l'internet. Personnellement, j'avais une double compétence puisque j'étais un professionnel des télécoms et de l'IP. Toute ma carrière a été basée sur la chance et m'a permis d'acquérir beaucoup d'expérience en matière de gestion de l'entreprise, et de gestion sociale. La gestion du social est une école qui nous permet de beaucoup apprendre. C'est vrai que je collaborais déjà à l'ATI, mais j'ai transformé ses activités dès que j'ai compris comment fonctionne le monde. Alors, à travers des projets de télémédecine de télésanté et d'économie numérique, j'ai bâti ma réussite qui m'a aidé à faire réussir l'ATI.

Spécialement à AT, nous travaillons aujourd'hui à l'émergence et au développement d'internet. Nous étions les premiers à avoir l'IXP, l'Internet EXchange Point (point d'échange du contenu d'internet) sans le savoir, et maintenant tout le monde tend à le faire.

Quels sont les services que vous présentez aux Tunisiens? Et comment évaluez-vous le service de l'internet en Tunisie?

Depuis le départ, l'ATI a permis de créer des fournisseurs de services internet pour segmenter le marché et pour être efficace dans le développement de l'internet dans ce pays. Donc, l'Agence reste toujours un fournisseur de gros. C'est le fournisseur des fournisseurs d'internet.

Aujourd'hui, nous avons couvert tous les segments du marché, et nous avons pensé que les espaces que nous aurions oubliés dans notre développement pouvaient, par notre entremise, y avoir directement accès, et ce dans le but de couvrir tout le monde en Tunisie.

C'est vrai que le risque de la segmentation du marché c'était qu'on puisse oublier un segment, même une population. Alors l'ATI fournit l'internet aux fournisseurs d'internet et même elle peut abonner la portion de la population qui n'a pas été ciblée, ou quelque peu oubliée, ou même si elle n'est pas satisfaite des services d'un fournisseur.

On n'atteint jamais l'excellence, même si on est les plus forts du monde, mais il faut toujours tendre vers elle malgré que notre situation, vue de l'extérieure, soit considérée comme étant excellente. Mais nous, qui souhaitons toujours nous développer, considérons que notre situation est bonne, puisque la position géographique de la Tunisie est très stratégique, et nous avons plusieurs connections et capacités extraordinaires nous connectant à l'international. Donc, sur le plan du trafic, nous sommes bien positionnés.

Nous avons en plus, des câbles sous-marins nous reliant à l'extérieur à savoir: 3 vers l'Europe via l'Italie. Deux sont la propriété de l'opérateur Tunisie Telecom et un autre, propriété conjointe des opérateurs Ooredoo et Orange. Un quatrième géant nous connecte à l'Asie via l'Inde en traversant d'autres pays. Un cinquième à l'imposant trafic relie l'Europe à l'Afrique du Nord, et à l'Asie de l'Ouest. Pour l'instant, nous n'utilisons qu'une faible portion de leurs capacités.

Notre connexion vers l'international est très efficace et excellente. Au cours de la décennie des années 90, nous avons travaillé à l'installation de performants structurés réseaux de télécom normalisé, qui servent aujourd'hui pour tout ce qui est DSL. De bonne qualité, ils sont toujours efficaces. Nous parlons aujourd'hui du 20 mégabytes/seconde sur des câbles en cuivre. Nous avons également une grande capacité en fibre optique déployée soit par les opérateurs ou les entreprises publiques de l'Etat, comme les sociétés chargés de l'électricité, du transport et ainsi de suite. Nous avons beaucoup de capacité en fibre optique déployé dans le pays.

Nous gérons par segment les services à l'interne. Ils sont tous hébergés dans les locaux des opérateurs qui ont aussi énormément réduit les coûts, ce qui a contribué à se connecter à internet à des prix abordables en Tunisie.

Le Service Layer Agreement SLA, c'est la qualité du service rendue par l'être humain et on a une bonne qualité d'internet servie surtout dans les réseaux terrestres, réseau sans fil 3 G.

Quels sont les défis auxquels l'ATI fait face actuellement?

C'est la libéralisation des fournisseurs en 2016. Avant, tout le monde était obligé de passer par l'ATI, mais aujourd'hui les opérateurs ne sont plus obligé de le faire.

Pour certains, ceci affaiblit l'ATI, mais pour moi c'est quelque chose qui peut être logique, et l'Agence doit s'adapter à ce nouveau contexte et essayer d'attirer les opérateurs ainsi que les fournisseurs de services internet, par nécessité et en cohérence avec la mutation, au cours des deux prochaines années, au Full IPou internet total. Donc, tout ce qui est terminaison d'appel va disparaître.

Qu'est-ce que vous voulez dire par le terme Internet Exchange Point ?

Pour développer notre pays, le système d'informations concernant les données sensibles sera muté vers le Cloud national (nuage, ou informatique dématérialisée).

C'est une sorte d'optimisation de dépenses des pays pour se diriger, le plus rapidement possible, vers un monde transformé en économie numérique.

En Tunisie, des initiatives publiques ont développé des Data centers (centre de données), des opérateurs ont investi dans les infrastructures. Mais maintenant se pose la question à savoir, où sera hébergéle contenu? Alors, Il faut éviter d'avoir à le faire dans des espaces où les conditions ne sont pas optimales. Autrement dit, il faut les héberger dans des endroits plus éloignés, et du coup les fonctionnaires, les particuliers et les entreprises doivent considérer qu'il s'agit d'un seul Data center, alors qu'en réalité il s'agit de plusieurs qui assureront l'efficacité, la fiabilité, la sécurité et toutes les exigences autour des données que ça soit du système d'information, de données personnelles ou bien de celles qui sont relatives au domaine de la santé, de la médecine, de l'éducation etc.

Quand on conjugue les efforts mis en place, on peut faire fonctionner quelque chose de nouveau. Et cette conjugaison ne peut être faite que par le Content Exchange Point. C'est notre enfant, notre création et notre initiative.

Comment développez-vous le concept de "Smart Tunisia"?

"Smart Tunisia1 " se base à communiquer promotionnellement avec les investisseurs dans les IT du monde entier et les inviter à investir en Tunisie, pour qu'ils puissent trouver une efficacité commerciale pour eux, et y employer les compétences et les cadres supérieurs tunisiens.

C'est un modèle gagnant, qui améliore la capacité de faire rentrer des devises fortes en Tunisie et qui fournit des valeurs ajoutés aux entreprises y opérant..

Nous travaillons au développement de "Smart Tunisa 2", que nous avons nommé Top Levels GTLDs, qui permettent d'exposer les produits ".bio " dans notre pays. La Tunisie a beaucoup de produits bios, et souhaite se positionner sur le marché mondial. D'une telle manière, les gens ne vont pas naviguer sur internet aveuglement pour les chercher, mais ils vont cliquer directement sur le ".bio" pour trouver directement ce qu'ils veulent et les exploiter.

Nous avons également créé l'application ".archi " pour les architectes du monde entier. Nous avons beaucoup de compétences, beaucoup d'ingénieurs et d'architectes car, chaque fois qu'une personne veut construire une maison elle va se renseigner auprès de plusieurs sources pour trouver un bon architecte. Mais vous allez devoir naviguer sur internet avant de pouvoir choisir le meilleur. La Tunisie se positionne bien par rapport à ses concurrents potentiels. Elle est avantagée par rapport au prix et au niveau de vie. Nous pouvons vendre nos savoir-faire comme nous l'avons fait par " Smart Tunisia 1 " mais maintenant d'une manière virtuelle sur les marchés virtuels.

En travaillant sur ces concepts, nous souhaitons créer une nouvelle valeur autour de " Smart Tunisia".

L'internet bouge et donc, il faut bouger avec. Nous sommes libres. Nous avons un accès complet à l'internet sans censure, alors il faut que nous en profitions; c'est une industrie du DNS, Domain Name System.

Quels sont les services innovants que vous êtes en train de développer?

Nous comptons aider le gouvernement à travailler sans perdre beaucoup de temps. En plus, nous voulons mettre en place la solution de l'IP, à multipoints où on peut aller à 70 coins en même temps. Nous possédons une très grande salle où l'on peut se réunir. Les réunions interministérielles pourront s'y tenir ainsi que celles avec les gouverneurs des régions. Le ministre des Affaires étrangères et les ambassadeurs tunisiens à l'étranger pourront s'y rencontrer, et nous avons déjà mis un POC, Proval Of Concept, dans l'ambassade de Tunisie à Paris, dans celle de Bruxelles qui, aujourd'hui, sont connectés et font des réunions réelles en multi points avec le ministère des Affaires étrangères tunisien.

Nous avons d'autres petits projets comme le MSSP, Security Managing, qui sera offert avec l'accès internet pour éviter que le client ne se soucie des fardeaux et des spécialistes qu'il doit avoir en matière de sécurité informatique.

Il y a aussi ce qu'on appelle les services innovants de proximité. En plus, nous nous positionnons comme un Regional Internet Exchange Point (Point régional d'échange internet), pour le Maroc, et des pays d'Afrique du Nord. Nous souhaitons également être aussi un centre de transit IP international. Et enfin, à long terme, nous désirons nous positionner en tant que gestionnaires de l'infrastructure fibre optique nationale.

Pourquoi vous avez prévu le système de Net Neutrality (Neutralité de l'Internet)?

C'est dans le CXP qu'ont peu créer Net Neutrality ou bien la neutralité de l'internet.

Sur le plan technique, l'ATI traite les trois opérateurs, les Data centers existant en Tunisie, les fournisseurs des services internet, de la même manière. Il n'y a aucune préférence à n'importe quel acteur dans le domaine de l'internet. C'est ce qui nous positionne sur le plan technique en tant que réseau neutre.

L'ATI est le point d'échange entre tout le monde de l'internet, c'est le carrefour d'échange des services. Nous avons investi pour être présents aujourd'hui dans tous les Data centers et nous travaillons pour que l'internet ne tombe pas en panne.

L e but de Net Neutrality, est d'avoir la confiance de tous les partenaires et quel'internet ne soit jamais coupé en Tunisie.