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Lors d'une entrevue exclusive donnée à Telecom Review, Samih Elhage, président de Mobile networks, Nokia, a présenté les progrès de l'entreprise à travers les années, ainsi que  sa transformation dans l'industrie.

Quelle a été la portée des opérations de Nokia au cours de ces dernières années?

Durant les quatre dernières années, nous avons mis l'accent sur les réseaux et services mobiles, et avons construit une très forte position de leadership technologique. Nous voulions élargir notre champ d'action et par conséquent, décidé, en janvier, stratégiquement d'acquérir Alcatel-Lucent, et nous venons également d'entamer une deuxième ouverture de l'offre publique d'échange, avec Nokia qui détient 91% des actions d'Alcatel-Lucent.

Notre objectif était d'accroître notre champ d'action  dans le mobile, et d'élargir la gamme de notre portefeuille de façon générale. Les deux sociétés combinées représentaient plus de 26 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2015, avec une très bonne rentabilité opérationnelle. Nous avons décidé, au sein de la nouvelle Nokia, d'organiser l'entreprise avec quatre divisions ou segments d'activités (business groups) en plus de Nokia Technologies.

L'une des quatre divisions, Mobile Networks, sera notre plus grand segment d'affaire avec près de soixante mille employés et sera le numéro un sur le marché du LTE, qui est la technologie de choix pour les années à venir. Les réseaux mobiles commencent à changer de façon significative, en dirigeant les ressources vers la 5G, conformément à notre objectif d'être un leader dans ce domaine.

La deuxième division, Fixed Networks, qui comprend aussi les solutions fibres, est  numéro un en BDSL sur le marché.

La troisième division d'affaires, IP & Optical, est responsable des réseaux de routage, IP et optiques- ce segment nous permettra d'occuper la deuxième place au niveau mondial dans le routage IP. D'autre part, notre activité optique est classée numéro un en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique.

Quant à la quatrième division, Application et Analytics, elle comprend l'ensemble des solutions logicielles nécessaires pour améliorer les services de bout en bout des infrastructures de réseau. Cela comprend également les analytiques, la gestion de l'expérience client, la sécurité et les suites de communication pour l'environnement d'entreprise.

Enfin, la cinquième division est appelée Nokia Technologies. Elle met l'accent sur la monétisation des actifs de propriété intellectuelle IP, où nous avons plus de trente mille familles de brevets, ainsi que l'incubation de nouvelles technologies dans les médias, la santé, etc.

Il y a deux lignes d'activités cédées par Nokia, qui sont BSS et Microwave. Avec l'acquisition d'Alcatel-Lucent, pensez-vous revenir à ses activités, sachant que l'équipementier franco-américain y est actif?

Notre stratégie est de continuer à nous concentrer sur ces activités et de devenir le numéro un dans chacune de nos activités ; c'est une stratégie d'affaires extrêmement importante.

La nouvelle entreprise Nokia (née de l'acquisition), comprend une ligne pour l'OSS, BSS et Microwave, cette dernière représente un marché très porteur pour nous. Elle est gérée par la division Mobile Networks. Quant à la solution BSS, elle est intégrée à la division  Application & Analytics.

Il est à noter que, lorsque nous étions Nokia Siemens Networks (NSN), nous avions décidé de vendre ces  segments parce qu'ils étaient de taille sub-optimale. Mais la situation a changé de manière significative avec l'acquisition d'Alcatel-Lucent.

L'an dernier, il a été annoncé que Nokia allait de nouveau revenir sur le marché des smartphones en général, en particulier après le lancement d'une tablette portant le nom de votre marque. Y a-t-il des plans pour continuer dans ce sens ?

Nokia est une très forte marque. En fait, nous n'avons pas lancé de tablette au sein de Nokia, mais nous l'avons fabriquée sous licence sous la marque Nokia, en coopération avec une autre compagnie. La licence de marque est l'un des domaines d'intervention de Nokia Technologies. En ce qui concerne les rumeurs, je crains que nous n'ayons rien de nouveau à dire à ce sujet.

À l'échelle mondiale, quels sont vos projets de la 5G?

Premièrement, nous croyons que la technologie LTE viendra en plusieurs phases pour continuer à améliorer les capacités des réseaux. Comme vous le savez, nous avons maintenant le LTE-A (LTE Advanced), Il y aura très prochainement le LTE-Advanced Pro puis nous atteindrons la 5G. Nous pensons qu'il y aura une évolution de la technologie LTE vers la 5G, et pour cette raison, nous investissons massivement dans cette technologie de 5ème génération. Nous avons déjà certains clients prêts à entamer avec nous cette évolution vers la 5G, ce qui clairement montre un fort intérêt pour une technologie de nouvelle génération telle que la 5G qui sera opérationnelle en 2017.

Y a-t-il une vitesse spécifique que vous pensez pouvoir atteindre lors de vos tests ?

Avec le LTE, nous assistons actuellement à des taux de pointe d'environ 1 gigabit par seconde (Gbps) dans un environnement commercial. Cela ira au-delà de 3Gbs avec le LTE-Advanced Pro, puis la 5G continuera la tendance. Cette année lors du Mobile World Congress, nous avons démontré la possibilité d'atteindre 30 Gbps.

À l'échelle régionale, quelle région représentera le plus grand intérêt pour la nouvelle Nokia ?

Dans la nouvelle entreprise Nokia, nous collaborons avec les 15 plus grands opérateurs au monde. Selon la nouvelle organisation de notre entreprise, l'Amérique du Nord est la plus grande région. Comme vous le savez, Verizon, AT & T, Sprint et T-Mobile sont quatre grands opérateurs dans lesquels nous avons une très forte position. La deuxième plus grande région est l'Europe, suivie par l'Asie-Pacifique, la Chine, le Moyen-Orient l'Afrique et l'Amérique latine. Cela dit, nous avons une répartition très équilibrée dans le monde entier.

Puisque la normalisation de la 5G a commencé assez tôt, quel spectre allez-vous utiliser?

Cela dépend en général du client avec lequel nous allons travailler et des options disponibles dans chaque pays en terme de fréquence. En ce qui concerne la standardisation, habituellement la 3GPP viendra d'abord avant la production de la technologie, mais le problème auquel nous sommes confrontés aujourd'hui est que le cycle de la technologie est de plus en plus court, donc nous ne pouvons pas attendre une longue période de standardisation. Nous continuons d'innover tout en continuant à travailler sur les normes.

Qu'apporte l'acquisition d'Alcatel-Lucent aux pays francophones ?

Il convient de mentionner que, d'un point de vue technologique sur  le marché, nous apportons des solutions complètes pour les opérateurs, que ce soit dans le réseau mobile, l'accès au très haut débit, les technologies de fibre, d'optique ou de routage, IP. Nous apportons toute la gamme de produits et  des technologies ainsi que les capacités de réseaux pour répondre aux besoins des opérateurs.

De plus, nous avons une très forte capacité d'innovation; en 2015, nous avions environ 4,5 milliards d'euros d'investissement en R&D (recherche et développement) avec quarante mille ingénieurs R&D couvrant toutes les technologies. Plus important encore, au sein de la R&D, nous avons ce que nous appelons Nokia Future Works and Technologies qui guide nos travaux en matière d'innovation, et aujourd'hui, avec la combinaison d'Alcatel, nous avons les Bell Labs, qui est un nom très bien connu pour les travaux de recherche et d'innovation très avancée. Quant à ce que nous pouvons apporter aux opérateurs en Afrique, avec les technologies que nous avons, nous apportons des solutions de bout en bout et très complètes, qui comprennent bien entendu les technologies du fixe et du microwave.

Est-il facile pour Nokia d'homogénéiser plus de ressources humaines à sa culture, puisque vous possédiez déjà Motorola et maintenant Alcatel-Lucent?

Nous voyons cela comme une opportunité car nous croyons que chaque entreprise apporte un riche patrimoine qui renforce la nouvelle Nokia. À titre d'exemple, lorsque nous avions acquis Motorola, l'entreprise avait apporté des processus de qualité très importants, qui ont amélioré notre qualité de produits et de services ainsi que la gestion de nos clients. Aujourd'hui, avec Alcatel-Lucent, nous apportons un autre ensemble de possibilités, et ce qui rassemble cet ensemble est justement notre culture - elle est basée sur la haute performance par laquelle nous gérons le mode de fonctionnement de notre vie quotidienne professionnelle.  Deuxièmement,« l 'attitude », c'est ce que nous devons avoir afin d'atteindre nos objectifs d'affaires. La bonne attitude est conduite et elle est renforcée par l'ensemble des valeurs qui reposent sur le respect, la confiance, la réalisation et le renouvellement. Ceci est très important pour nous. Å’uvrer tel une équipe solide qui apporte toute son énergie et ses connaissances.

Lorsqu'on regarde un peu en arrière, je pense à l'année 2007, et que nous regardons où nous en sommes aujourd'hui, nous constatons clairement que l'entreprise a connu de multiples phases d'évolution. Lorsque nous avons commencé la transformation de Nokia Siemens Networks, nous avons dû réduire les effectifs de 73,000 à 48,000 employés, mais en réalité, nous réduisions la société de plus de 48,000 employés et nous avions aussi embauché plus de 17,000 employés, ce qui a permis de sauvegarder la diversité des perspectives, l'esprit de l'innovation et la force de notre entreprise.

Vous avez eu une plus grande présence au MWC 16. Quelles sont les innovations importantes que vous avez présentées?

Nous nous sommes beaucoup concentrés sur l'innovation; nous avons montré et présenté un grand nombre de sujets dans le domaine du Cloud, tels que les capacités de réseau. Nous avons également montré un éventail de démonstrations et sujets liés aux technologies LTE Pro Advanced, 5G, l'internet des objets, Applications et Analytics, et des services, ainsi que l'optimisation des réseaux, le cÅ“ur du réseau, et plus particulièrement comment faire  évoluer l'architecture du réseau monolithique à une architecture Cloud de bout en bout.

Comment contribuez-vous à accélérer le processus pour la création d'un monde intelligent?

D'abord, permettez-moi de vous parler de notre vision qui est le monde programmable. C'est une vision des choses de haut niveau, mais nous croyons, qu'en élargissant les possibilités humaines de technologies que notre vision est vraiment la façon dont nous voulons faire du monde un endroit meilleur, et nous croyons fortement que le monde le deviendra en passant par « le tout connecté». Cela concorde exactement avec l'internet des objets ; vous avez des ensembles de périphériques connectés aux personnes , auxquels viendront s'ajouter les logicielles et les réseaux afin de donner un sens à ces connexions; et enfin, viennent les applications et analytiques que vous avez pré défini pour vous permettre de conduire des applications spécifiques.

Le monde devient plus intelligent en permettant à tout ce qui se connecte à justement se connecter - donnant ainsi la possibilité de créer des significations à ces connexions. C'est cela qui crée une entreprise intelligente, une ville intelligente et une maison intelligente. Tout cela représente l'Internet des objets.

Après avoir rejoint Nokia, quel genre de transformation de l'entreprise avez-vous constaté?

J'ai débuté à Nokia Siemens Networks en 2012 en tant que COO, puis en 2013 je suis devenu COO et CFO jusqu'au 8 janvier de cette année, ou j'ai été nommé président de la division Mobile networks. La transformation de l'entreprise a débuté en 2012; nous avons misé sur la rentabilité en renforçant notre portefeuille et notre positionnement sur le marché mondial.  Dans le cadre de la transformation, il y'a eu l'acquisition d'Alcatel-Lucent, qui va nous permettre d'obtenir l'envergure et l'expansion nécessaire. Je faisais d'ailleurs partie de l'équipe qui a conduit cette étape importante.

Actuellement, et dans le cadre de mon nouveau rôle, je vais continuer à renforcer la position de Nokia et son innovation technologique sur le marché, ainsi qu'orienter le marché en accompagnant nos clients dans la transformation de leurs réseaux et leur permettre à leur tour de transmettre ses capacités aux utilisateurs finaux.

Où en est Nokia avec la transformation numérique?

Depuis quelques années, nous avons commencé à construire des fondations pour notre transformation numérique en réorganisant considérablement notre infrastructure IP et son évolution vers le Cloud. Cependant, en plus de cela, nous avons besoin d'un nouvel ensemble de capacités de réseau pour nous permettre d'optimiser au quotidien notre mode optionnel pour toujours mieux servir nos clients, et aussi pour permettre à nos employés d'être plus efficaces et performants dans la gestion de l'entreprise. De plus, nous avons une stratégie très agressive, dans les services; par exemple, nous avons commencé à utiliser des robots numériques pour nous aider à optimiser nos capacités de services. Maintenant que nous avons les bases, nous avons commencé à construire, mais nous avons encore beaucoup à faire dans le domaine numérique.

Quels sont vos plans pour la région du Moyen-Orient?

Le Moyen-Orient et l'Afrique sont des régions très importantes pour nous. En effet, nous avons un très fort potentiel de croissance dans cette région. Notre objectif est de gagner plus de parts de marché et d'accroÃŽtre notre croissance sur ce marché, et de continuer à investir dans les technologies qui peuvent nous permettre d'étendre les capacités de réseau telles que les technologies LTE et LTE-Advanced Pro, ainsi que le très haut débit, les technologies IP, optiques ainsi que les infrastructures de réseau. De plus, nous allons continuer à créer les capacités de service globales qui sont nécessaires pour gérer les réseaux de manière efficace.